Un problème de rémunération, mais pas que…

Cette rentrée s’est faite une nouvelle fois dans des conditions compliquées. Compliquées, notamment à cause de la gestion de la crise sanitaire du gouvernement, laissant la place à trop d’interrogations sur l’organisation des épreuves et les obligations de durée de PFMP pour nos élèves qui ont, pour certains, subi déjà deux années de bac professionnel très difficiles. Compliquées par l’application à marche forcée de la réforme de la voie professionnelle, qui impose aux enseignants de nouveaux modes de fonctionnement (co-intervention, chef d’œuvre…), sans leur donner les moyens de les mettre en œuvre et tout en diminuant les grilles horaires des élèves (2520 heures pour les 3 ans de bac professionnel, contre 2690 précédemment). Compliquées, enfin, à cause du manque d’enseignants et trop souvent des classes dont les effectifs s’accroissent au mépris des conditions de travail des élèves et des moyens matériels mis à disposition.

A l’origine du manque d’enseignants, on retrouve notamment le manque d’attractivité de la profession. Ce constat est partagé aussi bien par les enseignants eux-mêmes, que par notre gouvernement qui nous en a fait l’aveu, au travers de la mascarade du Grenelle de l’éducation. En effet, le ministre Blanquer est venu avec ses grandes annonces de revalorisation historique des rémunérations, la prime Grenelle, la prime d’équipement… Pour toute revalorisation, la prime d’attractivité qui ne s’inscrit pas dans le temps et devra être redéfinie dans la loi chaque année, ne concerne que 58% des personnels, celle de 2022 allant de 684 € net par an pour l’échelon 2 à 342€ à l’échelon 9.

Le gel de la valeur du point d’indice a conduit à un décrochage important de celui-ci par rapport à l’indice des prix à la consommation. Entre août 2009 et août 2021, l’inflation officielle s’est établie à 13% (indice des prix passant de 93.99 à 106.21) alors que la valeur du point n’a augmenté que de 2,8% sur la même période. Sur les 30 dernières années, on constate que le salaire des enseignants (en euros constants, avec une base 100 en 1990) a fortement baissé par rapport aux salaires des cadres de la fonction publique d’Etat, comme par rapport à ceux de l’ensemble de la population française.

L’OCDE fait sensiblement le même constat. L’organisation met en évidence la faible rémunération des enseignants français en comparaison à celle des enseignants des autres pays.

Ce constat est d’autant plus alarmant quand on met ces rémunérations en regard du salaire moyen de chaque pays, on voit alors que la France fait figure de mauvais élève des pays de l’UE en ce domaine.

Alors en tant qu’enseignants, tout autant qu’en tant que citoyens, nous sommes en droit de nous interroger sur cette habitude de nos dirigeants qui consiste à prendre exemple sur nos voisins (l’Allemagne étant le modèle de référence) quand il s’agit de nous imposer l’austérité, la casse des service publics et à l’oublier quand il s’agit de nos rémunérations (ici l’Allemagne propose le meilleur rapport salaire enseignant sur salaire moyen du pays) et des moyens alloués aux apprentissages de nos enfants.

La France investit bien moins que ses homologues de l’OCDE dans l’acquisition des savoirs fondamentaux au primaire. Elle consacre presque 3 fois moins par élève et par heure à ses enfants en rémunération des enseignants que l’Allemagne. Non, le salaire ne fait pas tout, mais il est fort à parier qu’un pays qui déconsidère ses enseignants, ne donnera pas les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission de service public. 

Ce sous-investissement chronique se fait d’ailleurs sentir, comme c’était prévisible, dans les résultats des enquêtes internationales comme le montre cet extrait du classement PISA 2018. Les élèves français se maintiennent encore au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE, certainement grâce à l’investissement non reconnu de leurs enseignants, mais il y est mis en évidence un décrochage par rapport à nos homologues.

Les enseignants vont-ils avoir le droit à leur leçon de morale libérale en débriefing, comme nos valeureux sportifs de retour des JO ? Ou bien notre gouvernement va-t-il enfin prendre conscience du désastre annoncé par l’application de ses politiques budgétaires iniques et enfin faire preuve du pragmatisme dont il se targue à longueur de temps ? 

L’appauvrissement de l’école et des enseignants est symptomatique d’une politique libérale qui vise à imposer l’éducation comme un service à but lucratif comme tant d’autres. La recette est connue, on désorganise, on retire les moyens et l’on propose la privatisation comme remède. La manœuvre est enclenchée, le président Macron l’a annoncé, des directeurs d’école à Marseille vont pouvoir recruter directement les enseignants…