La politique du « en même temps » à l’Éducation nationale : encenser la liberté en muselant les agents.

MAJ le 02 décembre 2021, 18h34 : suite à une nouvelle convocation au rectorat de Besançon, les sanctions à l’encontre du collègue ont été levé. (déclaration du rectorat à l’AEF)

En octobre 2020, le tragique assassinat de notre collègue Samuel Paty n’a pas manqué de faire réagir le monde médiatico-politique. Un mot revenait dans les bouches de toutes et tous : liberté. Cette dernière était glorifiée à l’envi, et toute la hiérarchie de l’Éducation nationale la reprenait à son compte.
Pourtant, avant son assassinat, Samuel Paty n’a pas toujours reçu le soutien escompté de la part de l’institution. Avant le 16 octobre 2020, il y a eu des manquements de la part de cette dernière. Puis, les enseignant·es se souviennent encore de l’organisation de l’hommage à leur défunt collègue. Prévu en catastrophe et en pleine émotion, il devait avoir lieu la matinée du 02 novembre 2020…avant d’être annulé au dernier moment. Les acteurs de la communauté éducative avaient été prévenus par voie de presse.
Les enseignant·es ont été touché·es par cette incurie institutionnelle et les séquelles sont profondes. Alors, à l’annonce d’un hommage le 15 octobre 2021 à Samuel Paty, les dents ont grincé car l’hypocrisie ne passait plus.
C’est ce qui a conduit Jean-Christophe PETON (PLP de l’académie de Besançon) à dénoncer auprès de ses collègues, via l’ENT, l’ironie d’un hommage rendu par l’institution, quand cette dernière n’avait pas soutenu Samuel Paty quand il en aurait eu besoin. Pour le rectorat de Besançon, cette défiance n’était pas supportable. Certaines vérités ne semblent pas bonnes à dire et notre collègue a été suspendu pour une durée de 4 mois en attente d’un conseil de discipline.
La convocation à un conseil de discipline n’a rien d’anodin et peut conduire à de lourdes sanctions. Officiellement, en réponse à un article de L’Express[1], l’académie de Besançon déclare :

« Ce professeur a été sanctionné par suspension à titre conservatoire suite à l’utilisation d’un outil institutionnel et professionnel de communication, en l’occurrence l’environnement numérique de travail (ENT) à des fins de diffusion de propos personnels qui n’ont rien de pédagogiques […] C’est bien dans ce cadre là qu’il a été sanctionné et non pas pour ses propos »

A l’heure où Jean-Michel Blanquer tente de revêtir le costume de défenseur de la liberté d’expression, il serait difficile d’assumer que les propos tenus sont responsables de la procédure administrative mise en route. Les enseignant·es ne sont pas dupes et une grande vague de soutien à destination du professeur incriminé submerge la toile. Si une mauvaise utilisation des outils internes de l’Éducation nationale était réellement la cause du problème, un simple recadrage aurait suffi. Ici, on tente de museler la parole divergente d’un collègue.
Nous avons en mémoire l’affaire des 4 de Melle où des enseignant·es avaient été lourdement sanctionné·es pour leur participation à des manifestations contre la mise en place des E3C dans les lycées. Nous constatons que la liberté d’expression des professeurs s’est amoindrie ces dernières années. Le SNUEP-FSU s’était inquiété de la mise en place de l’article 1er de la loi sur l’École de la confiance, qui restreignait la liberté d’expression des enseignant·es. Nous en voyons les conséquences directes.

Derrière les discours de façade défendant la liberté d’expression, la volonté de museler est bien présente.
Le SNUEP-FSU Normandie s’associe au soutien quasi général et demande la levée immédiate de toutes les poursuites disciplinaires en cours contre Jean-Christophe PETON.


[1] https://www.lexpress.fr/actualite/societe/affaire-paty-un-prof-suspendu-pour-avoir-mis-en-cause-l-education-nationale-se-dit-estomaque_2163393.html